mercredi 21 octobre 2015

Astrolabe Persan

 

Astrolabe Persan


Extraits des « Voyages du Chevalier Jean Chardin, dit le persan en Perse » - édition de 1811 – tome 4



Jean Chardin, fils d’un riche bijoutier parisien, né le 16 novembre 1643 (1053 de l’Hégire) à Paris. 

Description de la Perse  – Description des Sciences et des Arts libéraux des Persans »
Chapitre IX – « De l’astronomie et de l’astrologie
« Ces sciences sont les plus révérées et les plus cultivées par les Persans, et ce sont celles où ils égalent plus les savants de l’Europe, et où l’on peut dire qu’ils en savent presque autant qu’eux ; la raison qu’ils ont de rechercher et de cultiver particulièrement ces sciences, c’est qu’ils regardent l’astrologie comme la clef du futur. »
« Les mathématiciens persans ont seulement la représentation des constellations dans un livre, qu’on appelle les plans d’Abdul Rahmen Al Sufi, qui est le nom de l’auteur. On reconnaît, en les regardant de près, que ce sont, au fond, les mêmes figures que nous avons sur nos globes. »
« Pour ce qui est des instruments dont ils se servent dans leurs opérations, le principal est l’astrolabe, comme je l’ai observé, après lequel ils ont ces instruments si connus en mer, qu’on nomme le bâton de Jacob ; et c’est avec ces seuls instruments qu’ils prennent les élévations du pôle [latitudes], on peut juger que leurs latitudes ne sauraient être des plus exactes. Ils ont des quart de nonante fort grands [quadrants quart de cercle] ; mais ils ne s’en servent guère, non plus que des règles de Ptolémée, des anneaux astronomiques, et de ces autres instruments pareils, qu’ils connaissent bien, et dont ils ont des figures, mais qu’ils ne mettent rarement en usage ; et pour ce qui est de ces grands et merveilleux instruments fixes, que les modernes ont mis en usage [fondation de l’Observatoire de Paris sous Louis XIV], pour s’assurer de la situation des objets ou des corps lumineux, comme le plan méridional ou horizontal, il n’y en a aucun dans la Perse :

[Chardin se trompe lourdement sur ce point, car en 1258 sous la direction de Nassir al-Din Tussi, les perses construisirent l'un des plus grands observatoires astronomiques universel du monde a Marâqé. La construction prit 12 ans, de nombreux instruments de mesures astronomiques comme des sphères armillaires, ainsi que des quarts de cercles furent également fabriqués sous la direction du savant Orzi. L'observatoire, fréquenté à l'époque par des étudiants venus du monde entier, était équipé d'un vaste bibliothèque contenant plus de 400.000 ouvrages. Le résultat de 15 ans de recherches fut reporté dans un livre intitulé Zij-e Il-Xâni, traduit en latin et publié en Europe dès 1652. Je précise que Tussi est connu pour sa théorie sur la rotation de la terre sur elle-même et autour du Soleil bien avant Copernic.]    


Astrolabe personnel de Muhammad Mahdi al-Yazdi grand astronome, astrologue, et  mathé-maticien du XVIIème siècle (1660). 


Mais comme l’astrolabe est le principal instrument astronomique des Persans, on peut dire aussi qu’ils l’ont le mieux fait et le plus exact de tout le monde. Les lignes et les cercles sont tirés plus justes que le meilleur trait de plume, sans faute de trait, ni variation de compas ; ils passent en cela les meilleurs ouvriers que nous ayons : on peut l’assurer fort positivement, et qu’on ne voit cet instrument nulle part si curieusement fait, avec tant d’exactitude et de délicatesse, ni gardé avec plus de soin et de propreté ; car les Persans le tiennent toujours dans des étuis et des sacs, quoique l’air de Perse n’enrouille ni ne salisse et ne ronge pas les corps, comme il le fait dans nos pays septentrionaux. Parmi le commun peuple même, chacun garde son astrolabe comme un bijou.
Ce qui fait que les astrolabes sont si bien travaillés, c’est que, pour l’ordinaire, ils sont faits par les astronomes eux-mêmes ; ce n’est pas qu’il y ait des artisans de profession pour les instruments de mathématique ; mais c’est qu’on n’estime pas tant ceux qu’ils font, que ceux qui sont faits par les mathématiciens, qui ne sont pas si sujet à se méprendre aux nombres, et qui marquent plus justes les chiffres et les figures.
Il faut ajouter à cela qu’un astronome n’est pas mis au rang des savants, s’il ne sait pas faire tous les instruments lui-même, et s’il n’y travaille mieux qu’un habile artisan.

Astrolabe personnel d’Ali ibn Ibrahim al-   Yarrar : 1327

Lorsque j’étais à Ispahan, l’astrologue le plus fameux pour la fabrique des astrolabes, s’appelait Akhound Mahomed Emin, homme aussi savant qu’il était excellent artiste ; c’était le fils d’un autre savant astrologue, nommé Molla Hassan Aly. Outre qu’il possédait la science à fond, il avait la main la plus adroite qu’on puisse voir pour la composition des instruments de mathématique. Le supérieur des capucins d’Ispahan, chez qui je logeais d’abord, homme fort versé dans les mathématiques, m’avait donné sa connaissance ; il m’y menait souvent, et m’apprenait à entendre ce que je voyais faire. C’est à cet habile Mahomed Emin, que j’ai vu faire tout ce que je vais rapporter sur l’art des astronomes persans, pour la composition des astrolabes, après que j’aurai fait quelques observations sur les termes dont les Persans se servent dans la science astronomique. »
« On ne croirait pas qu’ils fissent des astrolabes plus petits que trois pouces ; mais il s’en voit qui n’en ont que deux. »

 « [Outre le compas] le principal instrument qu’ils aient pour la construction juste et exacte de leurs astrolabes, et qui est une pièce dont je crois qu’ils se servent seuls, à l’exclusion des Européens, c’est une platine [sans doute une sorte de règle graduée de sorte à reporter les repères de construction], qu’ils appellent destour ou règle, qui est un nom commun chez eux à toutes les méthodes d’opérer ; cette platine est de laiton, de l’épaisseur d’un écu, de la longueur d’un pied, et de la largeur d’un demi-pied, bien polie et claire.


Globe céleste en étain crée par ibn al-Tabari dit Astrulabi, astrologue et astronome persan : 1285
Ce globe est l’un des plus vieux et l'un des six derniers globes célestes ayant survécus dans le monde.

Les Persans appellent les tampans d’astrolabe, sapheh, c’est-à-dire feuille d’écriture, et la mère de l’astrolabe, am asterbi (ommi âsteherleb), qui veut dire aussi mère d’astrolabe. L’astrologue prend ensuite son compas, qu’il accommode selon la grandeur de son astrolabe, c’est-à-dire selon la grandeur de l’équateur qu’il veut lui donner »
« Quant à la volvelle ou rete, que les Persans appellent ankebout (a’nkebout), c’est-à-dire araignée, qui est le nom que nous lui donnons aussi ; l’astrologue y pose les étoiles, suivant leurs longitudes et leurs latitudes tirées de leurs livres, et entre autres de celui qui est intitulé Sovar Abdul Rahmen [Suwar al-kawâkib al-thâbita ], dont j’ai parlé ci-dessus.

Voilà la théorie de cette platine persane, pour la construction des astrolabes, avec laquelle les astrologues du pays font leurs instruments exacts et précis, sans beaucoup calculer et supputer, comme on fait ailleurs. Le docte capucin dont j’ai parlé, qui en admirait la méthode, et qui me porta et m’aida à la mettre dans mes mémoires, me disait qu’il l’avait longtemps comparée, par les principes géométriques, avec la méthode laissée par Stoflerin [Stöffler] et Regiomontanus, pour la fabrique des astrolabes. Il trouvait que les deux méthodes se ressemblaient fort, mais que la méthode persane était bien meilleure que l’autre et plus courte. Celui qui se sert de la platine persane, fait en un moment de temps et sans peine, ce que l’autre [par la méthode géométrique] ne saurait faire qu’avec beaucoup de temps et de peine, sans compter que son ouvrage est toujours bien moins net, étant comme impossible qu’il ne marque bien des raies et des points inutiles sur sa roue. On conçoit aisément combien l’usage de cette platine abrégeait et facilitait la construction de l’astrolabe, et la précision exacte dont il le rendait.
Quant à la division de la mère de l’astrolabe, les astronomes persans la font avec un très grand bassin de cuivre ou de laiton, à fond plat et à bords larges bien mis et polis, divisé du centre à la circonférence, en trois cent soixante degrés, chaque degré marqué par dizaines de minutes ; ils mettent au fond du bassin, quatre petits morceaux de bois, poissés au bout de poix noire, de hauteur à élever leur mère d’astrolabe, jusqu’au plan ou niveau des bords du bassin ; ce qu’ils nivellent avec le tranchant de leur règle, afin que la mère d’astrolabe et les bords du bassin soient en même plan. Cela fait, ils prennent deux fils de soie la plus déliée, et ils les bandent en croix sur les quatre divisions de leur bassin, afin de faire aussi angle droit aussi centre du bassin, et puis ils le prennent doucement, et sans que rien remue, et le posent sur le réchaud de feu, qui échauffe et fond cette poix, après quoi ils poussent et repoussent peu à peu leur mère d’astrolabe, tant que la section de cette soie croisée tombe sur le centre de la mère d’astrolabe, avec quoi ils sont assurés que leur division sera juste ; alors ils ôtent la machine de dessus le feu ; et laissent refroidir ce mastic ; et leur mère d’astrolabe étant ferme et en due position, ils prennent la règle, et en portent les bouts sur les bords du bassin, divisés comme ils sont, ils sectionnent très également le limbe de leur mère d’astrolabe.
« J’ajouterai que la mécanique de ces instruments est admirable en son genre, autant que la méthode ; car les cercles sont tirés d’un trait égal, net, délié et profond comme il faut, si hardiment et si uniformément, que la meilleure vue n’y saurait remarquer d’entre coupure, ni dentelure et raie aucune ; en un mot, aucun chancellement de compas »

J’ajouterais à cet article de Jean Chardin que les anciens Perses utilisaient 3 types d’Astrolabes :

1-   Un Astrolabe utilisé par les astrologues et les devins (avec cet astrolabe les devins étaient capables de localiser la position d’une personne recherché, s’ils possédaient les chiffres de naissance de l’individu).
2-    Un Astrolabe utilisé par les Magiciens (notamment pour la confection des Talismans)
3-    Un Astrolabe utilisé par les Astronomes, les ingénieurs-bâtisseurs, et les marins.